BCE LE BACCALAUREAT PARLONS DU TEMPS

J’ai beaucoup apprécié l’Editorial, signé par  François -Xavier Lefranc, dans le quotidien Ouest-France du samedi 22 juin, portant titre :  » Le temps? Prenons-le ! « 

Cela faisant écho à la question posée aux candidats de l’épreuve  de philosophie du baccalauréat.

Ceci m’a remis en mémoire un texte d’une chronique donnée sur ALTERNANTES en 2001.

« Les maîtres du Temps »

 Tout événement, même le plus tragique est porteur de remise en cause, d’espoirs.

Il semble que l’une des conséquences de l’affreux chaos du 11 septembre dernier ait été, pour les Américains traumatisés, la prise de conscience que « l’on n’a qu’une existence, qu’il faut prendre le temps de vivre et qu’il n’y a pas que la réussite matérielle qui compte » Cela s’est traduit, entre autres, ces dernières semaines par des adhésions en nombre dans tous les clubs de rencontres, les agences matrimoniales et par l’officialisation de la vie en couples, affirmation de l’existence d’un futur.

Le temps reprend, en fait, ses droits…

« Au temps, au bon temps, des rois fainéants »… la vie s’écoulait au rythme lent des chars à bœufs…On prenait son temps…tout son temps… Plus près de nous, sachant qu’il y avait déjà des différences entre le «temps des villes» et le «temps des champs,» nos anciens avaient la notion du temps qui passe,  qu’il ne faut pas perdre. Ils l’appréciaient.

Au temps où huit sur dix des habitants ne vivaient pas encore en ville, le soleil, les saisons, la pluie, le gel, les moissons ponctuaient les journées qui passaient, les unes suivant les autres. Le soir, pour les allonger encore, les veillées s’éternisaient, en longues discussions, autour de l’âtre flamboyant, en grillant des châtaignes et en buvant quelques gouleyantes bolées de cidre.

L’horloge du temps s’égrenait doucement fabriquant des vies riches en connaissances, en passage de mémoire, en chaude humanité.

Le modernisme gagna. Le progrès que chacun goûtait, dans toutes ses dimensions scientifiques, sociales, économiques, technologiques, au fil de ses avancées, s’accéléra. La course était lancée. Elle n’allait pas cesser d’augmenter sa vitesse. Celle-ci devint effrénée. Pour la « maîtriser », certains s’en emparèrent.

Une autre course était lancée.

Celle du profit et du « tout économique ». Cela s’accéléra encore rejetant, ceux qui ne pouvaient s’accro-cher, dans les fossés de la précarité, de l’ignorance, de la non vie.

Avec tout leur temps devant eux. Comme une éternité.

Autour de soi l’on entendait sans cesse parler de « juste à temps », de « gestion du temps », de « gagner du temps », que »  le temps c’est de l’argent »,  « qu’on n’avait plus le temps »…

Nul n’avait même plus le « temps de rêver ».

Dans le même temps où la durée de la vie augmentait l’on jetait, hors les entreprises, des quadragénaires « ayant fait leur temps » comme des machines obsolètes. Les jeunes, eux, dans le même temps, passaient leur temps à rechercher un contrat à durée déterminée, un emploi-jeune, créé pour donner du temps aux gouvernants qui changeaient de temps en temps.

Tant et si bien qu’en un temps on en arriva aux « 35 heures »…Les objectifs étant de permettre d’endiguer le chômage et de donner à chacun la possibilité « d’avoir du temps… libre » « d’avoir des loisirs »…

Sans chercher à qui en revient la responsabilité, je n’en ai pas le temps, les chiffres démontrent chaque mois que pour beaucoup le temps n’est pas encore venu d’accéder au monde du travail. Cela viendra, c’est certain, en son temps…

Sur le plan du « temps libéré » et pour lui permettre d’avoir toute sa réalité il reste beaucoup à faire.

Le temps restant tout le temps, c’est patent, au centre des préoccupations de ceux, pas toujours compétents, chargés de prévoir de quoi, demain, notre temps sera fait…

Comme, en nos actuels « temps bénis »,  il ne reste plus que deux habitants sur dix à habiter hors d’une ville, il est « évi-temps » que l’intérêt ne va pas se porter sur eux!

Chaque chose en son temps.

Ainsi Monsieur Claude Bertolone, ministre de la ville, avait-t-il chargé, il y a quelque temps, Monsieur Edmond Hervé d’un rapport sur le « temps des villes »…qui n’a rien à voir avec « le temps contaminé ».

Le choix était judicieux.

N’est-ce pas Monsieur Edmond Hervé -qui pour justifier la construction du métro Val dans la ville de Rennes, a fait rétrécir les voies de circulation comme on le fait pour un sablier, symbole du temps qui passe ralentissant ainsi l’écoulement des véhicules, créant des bouchons et allongeant ainsi le « temps » des trajets.

Un véritable « Maître du temps…des autres ».

Ce dernier, après avoir pris son temps, dans son rapport, a souhaité une politique d’organisation du temps, en proposant même  la création « d’un bureau du temps »…cela pour « harmoniser les horaires des services publics avec les besoins des usagers ».

Il a fait un constat dont on peut regretter qu’il ne l’ait point fait, il y a longtemps :

« Ce sont toujours les moins fortunés qui sont les plus éloignés de leur travail et qui rencontrent le plus de difficulté pour la garde et l’accompagnement de leurs enfants ».

Mais avant, il est vrai,  Monsieur Hervé n’avait peut-être pas eu…le temps?

Gérard GAUTIER                                                                                                                                                                 Emission ALTERNANTES Mardi 16 octobre 2001 Edition L’Echarpe