REVOLTES DANS UN VERRE D’EAU

LIVRE « VOTE BLANC LA LONGUE DEMARCHE » 
Edition L’ECHARPE 2007
pages 81 et suivantes
(Livre censuré par Didier EUGENE ancien rédaction politique de Ouest-France – Secrétaire C.A de ESJ.)

…/…

REVOLTES DANS UN VERRE D’EAU 

Je n’entendais pas me démobiliser pour autant. L’utilité de la démarche restait entière. Plus que jamais. Les Français souhaitaient le changement. Les parlemen-taires, de tous bords, confusément, en ordre dispersé, parfois, on l’a vu, également. Mais les partis, dinosaures en perdition, faisant peser leur archaïsme sur le Pays, sur les Français, veillaient.

Au moment même où Michèle Barzach et Michel Noir se situant comme des rénovateurs de la vie publique, décident de larguer les amarres, de quitter le R.P.R. pour dans une France malade, «provoquer un sursaut national» «douze députés» du Parti Socialiste «considérant la démocratie en danger» lancent, le 11 décembre 1990, dans Le Monde, un manifeste «pour un nouvel humanisme en politique.»

Ainsi est mis en évidence le constat que la réaction émanant pourtant de personnes de sensibilités politiques différentes repose sur les mêmes constats. Pour les «douze socialistes» …/… « La démocratie représentative est en danger si l’on en juge par le discrédit de la politique, à la dégénérescence des partis, au déclin du Parlement, à l’indifférence croissante des citoyens. » Ils dénoncent «l’américanisation progressive des modes de vie et des comportements, le fait que l’Europe et la décentralisation effritent, jour après jour l’Etat – Nation»

Après le référendum sur la constitution européenne de 2005 cette déclaration prend une certaine saveur lorsque l’on découvre le nom des 12 socialistes. (*) Les signataires avaient pour noms : Jean-Pierre Balligand, Jean-Michel Belorgey, Frédérique Bredin, Michel Francaix, Ber-trand Galley, François Hollande, Jean-Yves Le Déaut, Jean- Yves Le Drian, Bernard Poignant, Ségolène Royal, Alain Vidalies, Jean-Pierre Worms.

Je ne partageais pas, à titre personnel cette dernière appréciation (*) très jacobine. Etant moi -même un ardent défenseur de l’ Europe, j’ avais une vision différente de l’ Etat- Nation, de la régionalisation et de la décentralisation. Ce qui était négatif pour eux m’apparaissait au contraire comme étant un facteur d’espoir déterminant de la renaissance de l’expression de la démocratie de proximité.

Ces parlementaires s’inquiétaient pourtant avec beaucoup de lucidité « d’une redoutable fracture sociale de la France …./… de la démocratie qui se dessèche, réduite à des techniques et détournée de ses objectifs. »

Pas question pour autant, pour eux, dans ce contexte « dans lequel il n’est plus possible de regarder ce spectacle de décomposition, d’observer ce bateau qui coule sans que ses passagers en aient conscience ou souci. » de quitter le monde de la politique …/… « Loin de nous la velléité de nous extraire d’un monde politique auquel nous appartenons…/… » Mais notre devoir est de tenter de le réformer. Nous sommes nombreux et dans tous les partis, à ne plus nous reconnaître dans les pratiques actuelles. Mais nous croyons en la politi-que, c’est pourquoi nous entendons agir » …/… « il faut enfin, dans ce contexte nouveau, instaurer une pénalisation financière de l’ absentéisme des députés »

Ils se prononçaient «pour la promulgation d’une véritable déontologie pour réhabiliter la morale politique et par elle, les valeurs de la démocratie. »[

Après de telles prises de position, émanant de tous les bancs de l’hémicycle, de volontés exprimées de vouloir se démarquer de la «fange» pour venir respirer un air plus sain, il n’était pas étonnant de voir les partis mis en cause réagir, tenter de reprendre le contrôle de la situation et de ces éléments perturbateurs. Cela ne tarda pas en effet.

Le Parti Socialiste quant à lui accueillit plutôt avec aigreur le manifeste des «transcourants.» Certains députés «un peu fayots», hommes de progrès sans doute, eurent des mots très durs pour fustiger les «empêcheurs de tourner en rond», ce qui, on le sait, évite d’avancer.

Gérard Bapt déclara «qu’il était scandalisé : ils participent au trouble ambiant» Denise Cacheux, quant à elle, déclara : «ce petit groupe se donne des airs de Monsieur Propre et considère les autres comme des ripoux» Jack Lang, toujours moralisateur avouait théâtralement «avoir peu de goût pour le concert des pleureuses et des grincheux.» Yves Dollo, toujours bien inspiré, s’associa lui – aussi à ce concert de condamnations. Il doit y avoir chez certain quelque embarras à voir qu’éventuellement «la pleureuse» risque de les faire rire jaune ? Mais étant habitués à parler « 36 Lang »…il y a parfois difficulté à reconnaître celle parfois utilisée.

Le groupe parlementaire du R.P.R. en ce qui concernait ses ouailles, «se déclarait unanime pour contester l’analyse des «rénovateurs .» Léotard, choisissait son camp, et «lucidement» déclarait …/… « leur attitude n’a d’autres effets que d’ajouter la division à la confusion ( « un aveu » NDLA) d’affaiblir l’opposition et de contrecarrer ses efforts pour préparer les conditions d’une alternance… »

Au sein du C.D.S. on apportait, avec mesure et prudence bien sûr, un soutien sous forme « d’un accord de principe ouvrant à une discussion avec tous ceux qui souhaitaient la rénovation» Il était fait état de la volonté de «passer des discours aux actes».

Ce que les Français attendaient en effet et attendent toujours.

Malgré l’existence de contestataires, réduits par le filtrage du «centralisme démocratique,» le P.C, qui réfutait cette dernière allégation, faisait valoir « qu’il n’était pas atteint par la rénovation. Le texte de la direction, pour le Congrès, ayant été approuvé à 93.30% dans les 69 départements ayant déjà tenu leurs conférences fédérales»

Toutes les turbulences avaient un point d’identité : la remise en cause de ce que nos compatriotes avaient à connaître tous les jours et condamnaient unanimement.

C’était également la preuve révélée que la gangrène, fondement de la crise politique profonde, nuisible pour la France et les Français, existait bien, que les causes en étaient connues. Il était démontré de belle manière que ce n’était pas une vue de l’es-prit ou une approche démagogique, comme cela m’était opposé parfois. Il était hautement significatif que des femmes et des hommes impliqués directement dans le «mi-lieu» aient eu le courage de dénoncer les agissements, les errements de leurs pairs et se mettent ainsi en péril.

Cela méritait intérêt, considération, respect.

Je transmis un courrier aux signataires du manifeste socialiste : « J’ai bien noté que l’ensemble de vos remarques correspondaient avec celles dénoncées par le Mouvement Blanc C’est Exprimé depuis plus d’une année. Je ne puis donc qu’abonder dans votre sens.

J’attire toutefois votre attention sur le fait que la responsabilité la plus importante de ce qui se passe actuellement procède de la mise en coupe réglée des «appareils des partis» par des caciques ayant bouclé, une fois pour toutes, les initiatives, brimant toutes les compétences, liquéfiant toutes les intelligences. Ils sont les maîtres et agissent en maîtres : on se soumet ou on se démet. Or, vous avez, courageusement mis en cause l’appareil du Parti Socialiste.

Ce qu’il faut savoir c’est que nous sommes à un moment où beaucoup attendent, encore, des retombées de miettes de pouvoir, de parcelles d’honneurs. Ils ne sont pas prêts à lâcher une si belle manne. Ils sont prêts, par contre, même vos amis, à vous sacrifier dès que le moment sera venu. Celui d’une investiture par exemple.

Par contre, dans la mesure où vous rejoignez le Mouvement Blanc C’est Exprimé, à titre individuel, tout en conservant votre intégrité, votre propre ligne de conduite, vous allez dans le sens souhaité par les citoyens. C’ est en fait la seule voie qui permette de sauver la démocratie, le parlementarisme indispensables à notre Société : il faut que les électeurs aient la possibilité de pouvoir sanctionner, quand cela est nécessaire, les élus ayant oublié leurs missions.»

Je reçu des réponses de Ségolène Royal, de Frédérique Bredin, de Bernard Poignant qui, tous les trois, faisaient état, avec intérêt de la découverte de l’existence… du Mouvement ? Ce dont, pourtant, je les avais tenus informés…une année avant. Les secrétariats ne suivaient sans doute pas. Force est d’admettre, lorsque l’on connaît le nombre de courriers restés sans réponse de l’importance de la tache existante dans leur organisation.

François Hollande quant à lui ajoutait : « Je comprends votre position sur le vote blanc. Mais lui reconnaître la valeur d’un bulletin exprimé serait d’une faible incidence sur les résultats électoraux, même si cela permettait un meilleur décompte des votes voulant marquer une sanction. » 

Il me faut préciser qu’un courrier a été transmis, à l’identique, dans le même esprit, à Michèle Barzach et à Michel Noir. Cela n’a pas justifié de leur part une réponse.

Dans un monde habituellement «lissé», soudain agité de soubresauts, les espoirs légitimes auxquels toutes les réactions connues, dans tous les partis, donnaient un début de fondement, furent rapidement balayés.


La rénovation avait fait long feu.

Je n’ai plus jamais entendu parler d’une position qui me semblait intéressante : « il faut enfin, dans ce contexte nouveau, instaurer une pénalisation financière de l’ absentéisme des députés »… Demain peut-être.

Et comme disait Le Maître Léo Campion : « Il ne faut jamais remettre à demain ce qui peut-être remis au surlendemain… »

Chacun sait ce qu’il advint de si belles envolées, d’aussi nobles déterminations. Peu après, la majorité des «trublions» a rendu les armes et a regagné le confort de la «chaleur douillette» de sa famille d’accueil. Certains ont pris du galon, ce qui aide, on le sait à faire taire, c’est humain, les «états d’âme»…

Cela, sans que, pour autant, fondamentalement, malheureusement les choses aient changées

Cette «mini – révolte» pourtant révélatrice du malaise profond, – tempête dans un verre d’eau – cette virevolte, attitude frileuse, corporatiste, peu courageuse, décevante pour les électeurs, était suivie partout, lors de différents scrutins, d’une nouvelle poussée des abstentions et corollaire d’une avancée significative des votes favorables au Front national. Cela sans que ce dernier ait à faire d’efforts. Juste attendre. Une autre conséquence est à signaler. La crise ouverte a provoqué, pour le Mouvement, beaucoup de contacts, de nouveaux sympathisants et un apport d’adhésions.

Cela prouvait que la sensibilisation souhaitée gagnait du terrain