Chroniques & pamphlets ISRAEL

ISRAËL

Je me souviens, je me souviens. Trop souvent.

C’était au temps heureux de ma prime jeunesse.

Au temps douloureux, aussi, de la dernière guerre mondiale. Au temps de l’horreur de nous et des adultes, à ce moment-là, inconnue. Je devais avoir 4 ou 5 ans. C’était en 1941 ou 1942 ? Nous habitions en Normandie, à Caen.

Sur la table déjà désertée, depuis longtemps par la viande, les pommes de terre se faisaient rares, elles-aussi. Les topinambours au goût sucré les remplaçaient plus souvent qu’à leur tour. Un hareng saur venait faire fête royale de temps à autre.

Je me souviens.

Je me souviens de ce temps, embelli, sans doute, par mes yeux d’enfant, qui plus est, atteint de myopie, pas encore traitée. Nos jeux étaient dans la rue qui nous était abandonnée, semble-t-il. Nous l’investissions en bandes frénétiques, comme des étourneaux.

Je me souviens d’un épisode, particulièrement. Il m’a marqué profondément. Je me revois au nombre de ces chenapans poursuivant, dans un bruit de galoches à semelles de bois, un chien famélique. Jeu cruel, absurde que le temps n’a pas effacé de ma mémoire.

Comme la horde hurlante de gamins efflanqués, la pauvre bête affaiblie, affamée elle-aussi, tentait de s’échapper par des crochets qui se voulaient rapides. La fuite semblait sa seule volonté. La course se faisait, au fil des minutes, toujours plus ralentie, désespérée. En un dernier crochet, croyant en cela trouver une issue salutaire, il s’engagea dans un jardin, à l’abandon, envahi par les mauvaises herbes, le mouron, le plantain.

Maintenant, hagard, haletant,. tremblant sur ses pauvres pattes, il se recroquevillait dans l’encoignure d’un mur. Sans autre issue que celle d’affronter le groupe vociférant et jeteur de pierres qui faisait cercle devant lui.

Acculé, bavant lamentablement, au bord du désespoir, il montrait maintenant les crocs, tentant, pour la première fois, de mordre. Sa fin fut, je le sais, horrible. Des adultes accourus, avertis par les cris, ayant déclaré qu’il avait la rage, se chargèrent de le faire passer de vie à trépas.

Je n’ai jamais oublié.

Ce qui se passe au Moyen-Orient vient de se charger de me le rappeler. Comme cela est souvent le cas lorsque je vois des hommes pousser d’autres hommes au désespoir, au néant.

Comment peut-on, en effet, aujourd’hui, accepter qu’un Peuple « sans terre » n’ait pas le droit d’accéder à ses droits nationaux et soit laissé en dehors de l’évolution du Monde, sans territoire propre et cela depuis … 1948 ?

Comment peut-on accepter que la vie misérable des Palestiniens soit toujours confinée derrière les  » hauts murs » de barbelés, sous la surveillance des miradors et dans la crainte des armes?

Comment peut-on accepter que les morts innocentes, des deux côtés, de femmes, d’enfants et d’hommes, cela au nom de la sauvegarde de territoires religieux et d’intérêts obscurs, voire sordides?

Comment peut-on admettre, au simple nom de l’intelligence, les provocations d’ultras seulement soucieux de saboter un processus de paix à l’élaboration si difficile ? La visite de Sharon sur l’esplanade des Mosquées de Jérusalem étant, à cet égard, véritablement criminelle.

Comment peut-on admettre qu’un Peuple ayant payé un lourd tribut à l’Histoire avec la Shoa puisse être toujours animé d’ambitions hégémoniques et non de paix universelle?

Comment peut-on admettre que les Etats-Unis aient refusé de s’associer à la résolution de l’O.N.U. pour condamner « l’usage excessif de la force » contre les Palestiniens? La seule raison de leur abstention, au moment du vote, étant sans aucun doute, la proximité des élections présidentielles et, l’importance, dans ce scrutin, des voix de la communauté juive!

Comment, en fonction de tout cela, ne pas comprendre que les Palestiniens puissent être amenés à utiliser les moyens extrêmes … pour répondre à la violence.

Et pas seulement à celle physique qu’est la force.

Il est impératif que l’espoir soit enfin donné à ce Peuple en désespérance, pour qu’il ait le droit d’exister. Pour qu’il ait, aussi, de moins en moins envie … de mordre!

Car, autrement, ISRAEL, où serait ta victoire?

Extrait du livre « Pensée unique…Pensée eunuque… » Editions L’ECHARPE 4° trimestre 2000

Or plus de 8 années aprés la même horreur perdure. Ce qui m’a amené à faire parvenir le courrier suivant
le 14 janvier 2008 à Monsieur l’Ambassadeur d’ ISRAEL.

Votre Excellence,

Plus que jamais je hurle en silence car je suis contre la violence… et celle qui s’exerce aujourd’hui, contre des civils qui plus est, m’est intolérable. Je viens de faire ce dessin(voir en rubrique Photos) et me permets de vous le faire parvenir.

Je n’oublie pas que « la crise de 29″ a entraîné la deuxième guerre mondiale et le drame immonde que votre Peuple a eu à connaître.

Ce qui se passe peut avoir un effet de contagion…Qui veut vraiment cela ?

Pour que les Peuples vivent en Paix,

Peuple d’Israël et Peuple de Palestine,

il faut « se bouger! »… au delà des contingences économico-politiques et religieuses !

Aujourd’hui un nouveau plan de paix ne voudrait rien dire !

Il faut revenir à la table des négociations avec la volonté d’oublier « toute hégémonie » et en repartant de la genèse des problèmes actuels.

Les martyrs juifs de la deuxième guerre mondiale sauront, à ce moment-là seulement, que leur sacrifice n’a pas été vain pour l’HUMANITE !

Je reste à votre entière disposition.

Gérard GAUTIER
ancien conseiller régional de Bretagne